Charte du club

Cette charte a été réalisée à partir d’échanges et d’écrits entre les membres du Black
Star. La multiplicité de ses voix tendent à s’accorder ici sur une position commune.
Position actuelle du Black Star dans la constellation de l’Ultimate. Mise à jour en 2021,
elle peut changer demain.

Le Black Star Ultimate est une association fondée en 2019 avec la volonté particulière de faire du sport autrement. Elle s’inscrit dans la mouvance du sport populaire*, solidaire et militant. Parce qu’il nous tient particulièrement à cœur de faire exister une alternative aux sources d’oppressions systémiques* que sont le capitalisme* et le patriarcat*. Et si on peut se marrer, c’est encore mieux.
Nous avons choisi l’Ultimate, parce que nous y retrouvons nos valeurs : «L’Ultimate est un sport sans contact et auto-arbitré. Tous les joueur·ses sont responsables de l’application et de l’adhésion aux règles. L’Ultimate repose sur l’esprit du jeu qui place la responsabilité du fair-play en chaque joueur·ses.» dixit l’article 1-01 du règlement de la World Flying Disc Federation.
Considérant par ailleurs nos sociétés comme traversées par un ensemble de rapports de force et de domination auquel il est difficile d’échapper, nous pensons qu’il est important de garder ce fait à l’esprit lorsque nous enfilons nos baskets pour aller sur un terrain.

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C’est pourquoi l’une des premières volontés du club est l’horizontalité, dans son organisation comme sur le terrain de jeu. Cela permet à chaque membre de trouver sa place, de s’exprimer et d’avoir l’espace nécessaire pour le faire afin de ne pas concentrer les pouvoirs sur une poignée de gestionnaires. On n’adhère pas au Black Star comme simple consommateur·ice, on rejoint une équipe gérée collectivement.

Le Black Star fonctionne en autogestion*. Le bureau du club est collégial : tous les membres sont à égalité de statut et contribuent aux décisions et au fonctionnement de l’équipe. Chaque année, le renouvellement des licences est l’occasion de mettre à jour le bureau. Nous tentons également de mettre en place une organisation collective où chaque personne a sa place au travers de :

  • Commissions : elles permettent de réfléchir et de mettre en œuvre les actions nécessaires au fonctionnement du club (commande de matériels, enregistrement des licences, trésorerie, communication, etc.). Elles sont composées de différent.es joueur·ses et reconstituées chaque année durant un temps qui permet une transmission de l’expérience acquise. Chacun·e est invité·e à participer en fonction de ses disponibilités et de son aisance au sein du club.
  • Différents temps d’échanges : une fois par an à l’occasion de l’assemblée générale ; tous les deux mois lors des « rendez-vous du Black Star » durant lequel les décisions importantes sont prises collectivement ; à la fin de chaque entraînement pour échanger sur l’actualité du club ; ainsi qu’en ligne via une application qui permet une communication régulière et une organisation en dehors du temps de présence. Ces différents moments sont aussi l’occasion de se questionner sur l’organisation pour qu’elle reste cohérente avec les principes posés dans la charte et inversement.

Du fait de cette organisation, il nous paraît nécessaire de rester à échelle humaine, pour favoriser l’expression directe et la prise de responsabilité de chacun·e dans le club. Nous ne souhaitons pas nous retrouver gestionnaires de flux humains et financiers – ce qui risquerait de constituer une charge pour les un·es et mettre possiblement les autres dans une posture de consommation des activités. Au Black Star, la charge et l’animation des entraînements sont collectives. Nous le pensons comme un rôle qui doit tourner, auquel chacun·e peut s’exercer en transmettant des consignes de jeu, en affinant un regard extérieur sur les gestes de ses partenaires et sur les mouvements tactiques lors des matchs. Autrement dit : ce que j’apprends, je suis aussi légitime à le transmettre à d’autres que la personne qui me la transmis en premier lieu. En inscrivant son action dans les pratiques de l’éducation populaire*, nous tentons de créer des conditions propices à la circulation et à la construction de savoirs ainsi qu’à l’émancipation de chacun·e.

Dans la pratique, la charge et l’animation des entraînements sont prises pour quelques séances par groupe de deux ou trois joueur·ses qui s’organise pour penser, porter les entraînements et prendre la responsabilité du matériel. La prise en charge collective de ce rôle implique la complémentarité des savoirs, des regards et le développement d’une attention et d’une écoute. Sont donc privilégiés les duos mixtes débutant·es/expériementé·es et chacun·e est invité·e à participer. Des ressources communes sont également mises à disposition afin de faciliter la mise en pratique des exercices. Et parce que c’est une posture difficile à prendre qui nécessite de l’espace, nous veillons à la respecter et ne pas l’entraver.

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Le Black Star a également la volonté de faciliter l’accès au sport dans un milieu où la compétition tend parfois trop facilement à l’expression de certaines formes de violences (sexisme*, racisme*, validisme*, lgbti-phobie*, fascisme*, mépris de classe*, etc.). Faire du sport autrement, c’est faire du sport pour le plaisir de jouer, à partir de relations égalitaires, basées sur l’entraide. De plus, l’absence de contact physique volontaire permet une plus grande inclusivité de ce sport en le rendant non-violent.

L’Ultimate est un sport mixte et à ce titre, le Black Star tend ainsi à se positionner concrètement. En s’opposant ouvertement à toute forme d’oppression qui pourrait s’exercer envers des catégories de la population déconsidérées, nous nous efforçons d’exercer un regard critique vis-à-vis de nos comportements et de nos discours afin qu’ils ne les alimentent pas. Nous proposons des initiations et des outils de communication en mixité choisie* pour faciliter l’expression de chacun.e. Nous ne pratiquons pas de discrimination par niveau car nous avons une réelle volonté de jouer tou·tes ensemble. Accueillir de nouvelles personnes nécessite une attention, et nous souhaitons le faire dans de bonnes conditions. Une commission est donc dédiée à l’accueil des joueur·ses débutant.es afin de faciliter leur intégration. Un fanzine* expliquant les bases du jeu a également été écrit par le club en 2020 comme outil supplémentaire à la compréhension du jeu. Enfin, au sein des entraînements, chacun·e est invitée à expérimenter les différents rôles afin de multiplier les compétences et ne pas créer d’expertise, souvent source de déséquilibre en dehors et sur le terrain.

Par ailleurs, parce que l’argent peut être un frein à l’accès au sport, les licences et équipements sont vendues à prix coûtants sans marge pour le club. Chacun.e est libre de contribuer aux frais de fonctionnement du Black Star sous forme de dons à prix libre*. Une attention particulière est également portée au choix de l’équipement afin qu’il soit cohérent avec nos valeurs. (équipementier solidaire, plastique recyclé, etc.).

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Le Black Star a la volonté de développer un jeu collectif avant tout. L’entraînement a pour finalité de développer la dynamique de l’équipe, et les exercices sont pensés dans cet esprit. L’enjeu n’est pas mis sur une recherche de performance et de valorisation individuelle. Dans les faits, l’entraînement commence par un cercle de discussion qui a pour but de partager des informations, de situer l’évolution de l’équipe, et qui permet aux personnes en charge de la séance de présenter le programme. Les entraînements finissent aussi par un cercle, pour revenir sur ce qui s’est passé sur le terrain, voir ce qui évolue, ce qui serait à travailler. La communication sur les ressentis, sur les places prises, les difficultés et les plaisirs y ont toute leur place pour continuer à faire de ces entraînements un espace d’émancipation et de convivialité. Cela implique de respecter les prises de paroles : ne pas la couper, laisser le temps à celleux qui en ont besoin, ne pas reformuler les propos des autres et laisser de l’espace. Nous restons vigilant·es aux formes de violence qui pourraient être véhiculées sur un terrain.

Aussi nous tendons vers une communication non violente : vocabulaire et humour non oppressifs (homophobe, raciste, vulgaire…), maîtrise de soi (physique et morale), expression et gestion des émotions. Cela en prenant en considération qu’on ne part pas tou·tes du même point, que les situations de vie et les expériences de vie sont hétérogènes. Le collectif vient donc en soutien des démarches individuelles.
Sur le terrain, chacun·e est invité·e à développer de l’autonomie dans sa pratique en prenant connaissance des règles, en apprenant à les appliquer, en regardant des matchs, en se tenant informé·e des évolutions du règlement. L’auto-arbitrage rend chaque joueur.se garant.e des règles et responsable de leur juste mise en œuvre. C’est une pratique d’autogestion que nous prolongeons, lors des entraînements et des matchs, en mettant en place une organisation horizontale, sans capitaine attitré·e, où chacun·e est légitime à prendre part au fonctionnement de l’équipe. Le respect des règles du jeu se fait en connaissance de cause, avec bonne volonté et bienveillance : nous ne les manipulons pas pour tenter de créer un avantage pour nous-même ou un désavantage pour les autres.

Trop souvent Compétition = Performance = Discrimination et aussi exclusion des débutant·es. C’est pourquoi au Black Star la participation à des compétitions est accessible quelque soit le niveau et l’expérience : parce que l’injonction à réussir (et vite) est contre- productive et ne permet pas de mettre l’attention sur ce qui est à travailler, et aussi parce qu’on ne veut pas fabriquer de podium. Les systèmes de récompenses sont inégalitaires et ne font que renforcer la position de celleux qui y arrivent déjà. La progression est plus importante que le résultat. La stratégie d’équipe repose sur les gens qui la compose.
C’est pourquoi la participation à une compétition nécessite une implication personnelle (participation aux entraînements et à l’organisation de la compétition) pour développer un jeu collectif. Le plaisir de jouer ensemble prend le pas sur les désirs de compétitions ou de performances. Nous n’affrontons personne : nous jouons avec des partenaires de jeux et non contre des adversaires. La compétition est aussi l’occasion de rencontres et de propositions nouvelles (tirage au sort du capitaine, réflexion autour des valeurs de l’esprit du jeu, organisation de tournois différents, etc.).

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Pour conclure, la diffusion de ces valeurs ne doit pas se limiter au Black Star et peut s’étendre à d’autres sphères de nos vies. C’est la raison pour laquelle certain·es joueur·ses participent à des actions militantes, proposent des initiations hors du club et soutiennent autant que possible les lieux et causes solidaires qui leur tiennent à cœur.

Si toi aussi tu partages ces idées, viens nous rencontrer !

Le Black Star Ultimate investi cette base de lancement depuis 2019 [46.568329, 0.393520], pour que décollent vers d’autres galaxies des myriades de disques volants [175 grammes].

 

– Glossaire –

Sport populaire : Pratique sportive collective qui se veut ouverte et accessible, en facilitant l’inclusion de chacun·e et la participation matérielle. Elle s’inscrit dans l’histoire des clubs ouvriers qui ont développé – en marge d’un sport plus élitiste – une culture de la solidarité, dans une dimension politique.
Oppressions systémiques : oppressions qui découlent du fonctionnement de la société
(exemple : l’oppression des femmes est inhérente au patriarcat).
Capitalisme : modèle sociétal guidé par la recherche de profit et l’accumulation de richesse.
Patriarcat : forme d’organisation sociale et juridique créée par les hommes et pour les hommes.
Autogestion : volonté d’organisation collective par les personnes qui composent le collectif.
Bureau collégial : dans les statuts associatifs, les responsabilités et fonctions (habituellement président·e, secrétaire et trésorerier·e) sont partagées par toutes les personnes inscrites au bureau. Dans notre cas il s’agit donc de tou·tes les licencié·es.
Éducation populaire : courant de pensée qui cherche à promouvoir une transformation sociale et l’émancipation individuelle, qui reconnaît à chacun·e la capacité à penser, agir et pouvoir faire des choix. La transmission des savoirs s’effectue donc par et pour toutes les personnes. Par exemple : l’animation des entraînement (coaching) est assurée en rotation par les licencié·es.
Sexisme : discrimination fondée sur une hiérarchisation des sexes.
Racisme : discrimination fondée sur une hiérarchisation des différences physiques et culturelles.
Validisme : discrimination fondée sur une hiérarchisation des différences de capacités physiques et/ou intellectuelles.
Lgbti-phobie : discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et le genre.
Fascisme : haine de l’autre.
Mépris de classe : discrimination se manifestant par une forme de mépris à l’égard du milieu social d’une personne, considéré plus ou moins explicitement comme de rang inférieur.
Inclusivité : adaptation, acceptation et intégration des groupes sociaux exclus.
Mixité choisie : possibilité de choisir – ou pas – la mixité. Cette idée considère que la mixité peut être subie en raison des mécanismes de domination à l’œuvre dans les espaces sociaux (l’accès à certaines place étant alors facilitée pour les personnes profitant d’un privilège de classe, de genre ou de race). La mise à disposition d’espaces non-mixtes participe à ce choix : ils préservent d’éventuelles oppressions et discriminations et permettent de prendre confiance, afin de reprendre place dans des espaces réellement mixtes. (dédiée aux personnes qui ne se sentent pas à l’aise en groupe mixte du fait de leur appartenance à un ou plusieurs groupes sociaux considérés comme opprimés ou discriminés, en excluant la participation de personnes appartenant à d’autres groupes considérés comme potentiellement discriminants ou oppressifs, afin de ne pas reproduire les schémas de domination sociale).
Fanzine : publication fabriquée par des passionné·es pour des passionné·es.